LA CHAMBRE D’INSTRUCTION DEMANDE À MME BOUARE FILY SISSOKO LE PAIEMENT D’UNE CAUTION FARAMINEUSE DE 500 MILLIONS DE FRANCS CFA ET FAIT FI DE SES DÉCLARATIONS DE BIENS
Incarcérée depuis le 26 Août 2022, soit depuis plus de 16 mois, dans le cadre des dossiers dits de « l’Avion Présidentiel » et du « Protocole MDAC/GUO STAR pour la fourniture de matériels et d’équipements militaires » intervenus en 2014, l’ancienne ministre de l’économie et des finances à l’époque des faits, Madame Bouaré Fily SISSOKO est toujours en attente d’un procès qui permettra de faire la lumière sur cette affaire. Alors que certains des principaux acteurs impliqués dans lesdits dossiers sont décédés, Madame Bouaré qui a toujours clamé son innocence et tente tant bien que mal de la prouver, a été informé par la chambre d’instruction de sa décision de mise en liberté, car son incarcération n’étant plus « nécessaire à la manifestation de la vérité….». Une décision au goût amère puisqu’il a été demandé a l’intéressée le paiement d’une caution de 500 millions de francs CFA afin de pouvoir accéder à la liberté.
Dépassée par cette demande qui prouve à suffisance que ses différentes déclarations de biens en tant que fonctionnaire n’ont pas été prises en comptes par la chambre d’instruction , et n’ayant pas été notifiée d’une suite à l’appel de cette ordonnance, Madame Bouare Fily Sissoko, a adressé un mémoire au président et aux membres de l’association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) ; Association dont l’objectif 1er est de « promouvoir des poursuites pénales efficaces, équitables, impartiales », afin d’informer celle-ci de la situation qui prévaut.
Nous vous délivrons dans cette parution, le contenu du mémoire destiné à l’AMPP dont nous avons reçue copie ainsi que le tableau récapitulatif des déclarations de ses biens (2000 – 2015).
MEMOIRE A L’ATTENTION DU PRESIDENT ET DES MEMBRES DE
L’ASSOCIATION MALIENNE DES PROCUREURS ET POURSUIVANTS
Monsieur le Président, Mesdames Messieurs les Membres de l’AMPP,
je voudrais tout d’abord vous remercier pour le plaidoyer que vous menez pour le respect de
nos droits en tant que Ministre de la République au moment des faits, depuis mon
interpellation le 26 Août 2021, en compagnie de feu Soumeylou Boubeye Maiga, ancien
Premier Ministre, paix à son âme.
Le présent mémoire a pour objet de porter à votre connaissance que par Ordonnance
en date du 21 Octobre 2022 dont copie jointe, la chambre d’instruction a décidé ma mise en
liberté, sous réserve du paiement d’une caution ou la constitution de sureté de même valeur.
J’ai reçu notification de la dite ordonnance, le 25 Octobre 2022. Ma Défense, en la personne
du Bâtonnier Me Alhassane Sangaré a relevé appel de cette ordonnance par acte du 26
Octobre 2022. Aucune suite ne nous a été notifiée à ce jour. Au regard de la tournure que le
dossier est entrain de prendre, j’ai décidé de solliciter le concours de votre association.
Monsieur le Président, l’ordonnance de mise en liberté sous caution dont il est
question expose : « Attendu que l’instruction du dossier de l’affaire est suffisamment
avancée, que la détention de l’inculpée n’est plus nécessaire à la manifestation de la
vérité….» ; et de poursuivre, « Attendu cependant, que pour garantir la représentation de
l’inculpée et couvrir les éventuels frais de procédure ainsi que les condamnations
pécuniaires, il convient de subordonner sa mise en liberté au dépôt d’une garantie ou la
constitution d’une sureté… ». Caution dont ils ont fixé le montant à 500 Millions FCFA,
dont 200 Millions pour garantie de représentation.
A mon humble avis, demander à un fonctionnaire malien quel que soit son parcours,
de constituer cette somme faramineuse, dans une procédure d’instruction conduite suivant le
principe de la « présomption d’innocence » et par une Chambre qui en principe a vocation à
« instruire à charge et à décharge », équivaut tout simplement à le traiter de criminel
financier de classe exceptionnelle, sans en apporter les preuves.
En tout état de cause, si la Chambre est en mesure de fixer une telle caution, elle
devrait logiquement avoir une idée du montant du préjudice que j’aurai causé à l’Etat du
Mali, selon elle. Dès lors, je suis en droit de m’interroger sur les raisons qui, à ce stade
s’opposent à l’organisation d’un procès public juste et équitable.
Au demeurant, la tenue d’un tel Procès constituerait la réponse appropriée, à la
lancinante et légitime quête de vérité de nos concitoyens concernant les dossiers dits de
« l’Avion Présidentiel » et du « Protocole MDAC/GUO STAR pour la fourniture de
matériels et d’équipements militaires » intervenus en 2014, au moment où le pays ne
disposait pas encore de Loi de Programmation Militaire. Je tiens à souligner cet aspect
budgétaire puisqu’il m’a été donné de constater à travers ses déclarations à un media de la
place, que le Procureur du pool économique qui en son temps a décidé de nous inculper
considère ces transactions comme faisant partie des 1200 Milliards FCFA de la loi de
programmation militaire adoptée en 2015. Je trouve cet état de fait particulièrement
regrettable puisqu’il retire ces dossiers de leur contexte budgétaire et comptable.
Pour ma part, mes Déclarations de biens régulièrement déposées et enregistrées à la
Cour Suprême de 2000 à 2015, comme le reflète le tableau récapitulatif joint en annexe au
présent, attestent éloquemment de mon rapport à l’argent et au bien public d’une façon
générale, au regard des fonctions prestigieuses que j’ai eu la chance d’occuper dans ce pays,
par la grâce de Dieu, le tout miséricordieux.
A cet égard, je tiens à souligner que la seule maison que je possède est celle que
j’habite et dont la construction remonte à 1997, comme en atteste ma 1ère déclaration de
biens en 2000. Maison dont le titre est sous hypothèque auprès d’une Banque de la place en
garantie du prêt que j’ai contracté en 2015 pour la réalisation d’un projet de ferme. Je mets
quiconque au défi de prouver le contraire. Dans tous les cas, entre cadres de la haute
administration malienne nous nous connaissons. C’est tout cela qui justifie ma quête
constante de vérité dans cette procédure, de 2014 à nos jours comme en attestent mes lettres
aux différents Ministres de la justice de 2015 à 2020 et au Président de la République de
l’époque. Vous voudrez bien trouver en annexe au présent, copies de mes déclarations de
biens et des lettres susvisées. Vous comprendrez que je n’ai pas un sou à constituer comme
caution et je ne laisserai personne le faire pour moi, pour la simple et bonne raison que je n’ai
rien à me reprocher.
Monsieur le Président, je tiens également à porter à votre attention, que le seul et
unique procès verbal d’audition me concernant sur ces dossiers, avant le début de la
procédure d’instruction, remonte à 2015. Il fait suite à la demande d’ouverture d’enquête en
date du 22 Mai 2015 que j’ai adressée au Ministre de la justice de l’époque. Lettre
enregistrée au courrier confidentiel dudit Ministère sous le N° 0170 du 26 Mai 2015 et cela
malgré le « privilège de juridiction » dont j’étais en droit de bénéficier. Je n’ai en aucun
moment été convoquée ni entendue par le Procureur qui m’a inculpée. C’est pour toutes ces
raisons que je trouve le traitement qui m’est aujourd’hui infligé, outrageant et dégradant.
Monsieur le Président, pensez-vous que le statut de Magistrat relevant de la plus haute
juridiction de la République, autorise le Président et les membres de la Chambre
d’instruction à m’infliger un tel traitement ? Pour tout vous dire, j’ai tout simplement
l’impression que l’on me fait purger une peine par anticipation qui, à ce jour équivaut à une
journée de prison pour chaque journée passée à la tête du Ministère de l’Economie et des
Finances et ça continue. C’est tout simplement hallucinant.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de l’AMPP, voici en
substance les questions qui me taraudent l’esprit et que j’ai décidé de partager avec vous,
après plus de 16 Mois de détention provisoire, en vue de requérir formellement votre
implication et à travers vous celle de l’Association Internationale des Procureurs
Poursuivants dont l’objectif 1er est de « promouvoir des poursuites pénales efficaces,
équitables, impartiales », afin que mes droits en tant que justiciable soient sauvegardés.
En tout état de cause je garderai toujours, une foi inébranlable en l’indépendance et en
l’impartialité de l’institution judicaire de mon pays, aussi longtemps qu’elle comportera en
son sein des Magistrats de votre trempe.
Bamako, ce jour Jeudi 05 Janvier 2023
Mme Bouaré Fily Sissoko
Ancien Ministre de l’Economie et des Finances du Mali