INTERVIEW EXCLUSIVE AVEC NONON DIARRA, PRÉSIDENT DE CROPLIFE MALI
Dans un contexte où l’utilisation des pesticides suscite des interrogations et où les enjeux de sécurité alimentaire sont cruciaux, nous avons rencontré Nonon DIARRA, Président de CropLife Mali. Il revient sur son parcours impressionnant et partage sa vision pour une gestion plus saine des produits agro pharmaceutiques au Mali.
Question : Bonjour Monsieur DIARRA. Pouvez-vous vous présenter ?
Nonon DIARRA : Bonjour, je suis Nonon DIARRA, Ingénieur Agronome, titulaire d’un Master en Agrochimie-Pédologie de l’Académie Agricole Timiriazev de Moscou, ainsi que d’un diplôme en Géochimie de l’Environnement et Expertise obtenu en Allemagne. Aujourd’hui, je suis le Président de CropLife Mali.
Question: Parlez-nous de votre parcours.
Nonon DIARRA : J’ai débuté ma carrière dans l’enseignement, puis j’ai travaillé à la CMDT pendant cinq ans. Par la suite, j’ai rejoint la multinationale agro-pharmaceutique Syngenta où j’ai été responsable du bureau du Mali, chargé également du Burkina Faso, du Sénégal et du nord de la Côte d’Ivoire, pendant quatorze ans. Enfin, j’ai créé ma propre entreprise, spécialisée dans l’importation et la distribution de produits agro pharmaceutiques, notamment des pesticides.
Question: Que représente CropLife Mali ?
Nonon DIARRA : CropLife Mali est l’Association des Importateurs et distributeurs professionnels des produits agro pharmaceutiques. Elle a été fondée en 2002 sous le nom d’Association des Distributeurs de Produits agro pharmaceutiques du Mali (ADP). En 2005, elle a adopté le nom CropLife suite à son affiliation à CropLife International.
Question: Vous mentionnez des produits agro pharmaceutiques, quelle différence avec les pesticides ?
Nonon DIARRA : Le terme « pesticide » vient de « pest », qui signifie nuisible, et « cide », qui veut dire tuer. Ce sont des substances qui éliminent les nuisibles des cultures, des animaux ou des habitations. Les produits agro pharmaceutiques, ou phytosanitaires, sont des substances utilisées spécifiquement pour lutter contre les nuisibles des plantes. Ce sont donc des pesticides, mais qui sont dédiés à l’agriculture.
Question: Quand on parle de « pesticides », l’idée de poison dangereux est omniprésente. Est-ce justifié ?
Nonon DIARRA : Il est vrai que les pesticides sont souvent appelés « poison », mais cette appellation n’est pas tout à fait correcte. Ces produits passent par un processus de synthèse et de tests très rigoureux, comparable à celui des médicaments en santé humaine ou animale. Avant leur mise sur le marché, il faut entre onze et quatorze ans de recherche, avec un coût qui varie entre 250 et 350 millions de dollars. La molécule doit passer plusieurs tests avant d’être homologuée. Si les consignes d’utilisation sont respectées, ces produits ne présentent aucun danger.
Question: On entend parler de bio pesticides. Quelle est la différence avec les pesticides classiques ?
Nonon DIARRA : Les pesticides se divisent en deux catégories : les chimiques et les biopesticides. Les premiers sont des produits de synthèse chimique, tandis que les biopesticides sont issus d’organismes vivants comme des bactéries ou de substances naturelles extraites de plantes. Les bio pesticides sont moins toxiques, mais leur production est coûteuse et leur efficacité moindre par rapport aux pesticides chimiques.
Question: Pourquoi ne pas privilégier les biopesticides alors ?
Nonon DIARRA : Les biopesticides demandent plus de temps et d’argent à produire, car il faut cultiver des organismes en laboratoire. Leur spectre d’action est souvent moins large, et il est difficile de produire des quantités suffisantes pour de grandes surfaces agricoles. Par exemple aucun pesticide bio disponible n’a pu contrôler le jasside qui fait ravage dans les champs de coton. Le bio est donc une solution complémentaire mais ne peut pas remplacer le chimique à grande échelle, pour le moment.
Question: Pouvez-vous nous parler des différents types de pesticides ?
Nonon DIARRA : Les pesticides se classifient en plusieurs catégories selon leurs cibles. En agriculture, nous avons les insecticides pour lutter contre les insectes, les herbicides pour les mauvaises herbes et les fongicides pour les maladies des plantes. Ils sont aussi classés par toxicité : classe Ia (extrêmement dangereux), Ib (très dangereux), II (modérément dangereux), III (légèrement dangereux), et classe U (peu dangereux).
Question: Est-il possible d’utiliser les mêmes pesticides pour les légumes et le coton ?
Nonon DIARRA : Oui, à condition que ces pesticides soient homologués pour ces cultures spécifiques. Cela implique que les résidus doivent être inférieurs aux limites maximales tolérées, et que les délais avant récolte soient respectés.
Question: La vente des pesticides est-elle règlementée au Mali ?
Nonon DIARRA : Oui, l’importation et la distribution des pesticides sont réglementées. Le processus d’homologation est réalisé par le Comité Sahélien de Pesticides (CSP), qui sera bientôt remplacé par le Comité Ouest-Africain d’Homologation des Pesticides (COAHP). Il existe aussi des textes nationaux régissant la vente des pesticides, notamment la loi N° 02-014 du 3 juin 2002.
Question: Les producteurs de coton font face aux ravages causés par le jasside. Qu’en est-il ?
Nonon DIARRA : Le jasside Amrasca Biguttula est un insecte qui a fait son apparition en 2022 et a causé d’importants dégâts dans les champs de coton. Malgré les efforts, aucun insecticide disponible ne s’est révélé efficace. Grâce aux recommandations du PR-PICA, trois produits ont été identifiés et ont permis, en 2023, de restaurer la production cotonnière. Un traitement régional systématique avec lesdits produits a été recommandé par le PR-PICA pour 2024.
Question: Que pouvez-vous nous dire de la gestion des emballages vides et des produits obsolètes ?
Nonon DIARRA : La gestion des emballages vides et des stocks obsolètes reste un défi majeur. Le Mali est cependant pionnier avec le Programme Africain relatif aux stocks de pesticides obsolètes (PASP), qui a permis d’éliminer plus de 500 tonnes de produits. Malheureusement, le programme a pris fin sans atteindre tous ses objectifs. Le gouvernement du Mali a continué avec le programme PEPO qui a fait un très bon travail mais qui n’a pas pu finir tout le travail, par manque de financements. Il est impératif de trouver des financements pour capitaliser les acquits et pérenniser le programme.
Question: Comment se présente le secteur des pesticides au Mali ?
Nonon DIARRA : Le secteur est confronté à de nombreux défis. Le marché est inondé de produits frauduleux, vendus même par des enfants en saison agricole. L’État doit s’investir davantage pour assainir ce secteur, pour le bien-être des populations.
Ainsi s’achève cette interview avec Nonon DIARRA, qui appelle à une meilleure régulation du secteur des pesticides pour garantir la sécurité alimentaire et sanitaire des Maliens. Nonon DIARRA était l’invité du jour en milieu semaine sur Africable Télévision sur le plateau de Sekou TANGARA. Le thème a porté sur les produits agropharmaceutiques au Mali.
Propos recueillis par Madou’s CAMARA – NOUVEL HORIZON
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